En 1999, Estelle Hallyday contre « l’Internet libre »


« La victime, c’est moi. » Nous sommes en 1999 et c’est une jeune femme de 33 ans qui s’exprime en ces termes dans Libération. Sa perplexité est perceptible, alors que le journal l’interroge sur le bien-fondé de sa plainte après qu’un internaute a mis en ligne, contre son gré, des photos d’elle dénudée, dérobées alors qu’elle avait 17 ans.

Un cas de figure qui sonne tristement banal de nos jours. Ce qui le sonne moins, en revanche, ou qui sonne plus daté, c’est qu’elle doive se justifier d’intenter une action en justice : « Je n’ai fait qu’essayer de protéger ma vie privée », rappelle-t-elle. La jeune femme en question se nomme Estelle Lefébure. Mannequin à succès, on la connaît alors sous le patronyme de son époux : Hallyday.

Internet n’est pas le premier coupable dans cette affaire. Si ces photos volées d’une mineure se sont retrouvées en ligne, c’est parce qu’elles ont été publiées en premier lieu sur papier – on dirait « IRL » (« in real life ») aujourd’hui – par le magazine Voici. Estelle Hallyday a déjà obtenu condamnation de cette publication mais les images, elles, ont été scannées, numérisées, répliquées, et circulent désormais gratuitement sur la Toile. Un autre magazine, Entrevue, a même relayé l’information à ses lecteurs, façon « bon plan », poussant l’obligeance jusqu’à indiquer l’URL d’une page Web où les consulter : celle d’un dénommé « Silver Surfer ».

Une affaire médiatique

Derrière ce pseudonyme, référence à un comics Marvel, rien ne permet d’identifier l’auteur de cette page. Dans une démarche conforme au droit de la presse, Estelle Hallyday, qui n’a pas donné suite aux sollicitations du Monde, dépose alors plainte contre l’hébergeur, Altern. Pour le préjudice subi, elle lui réclame 700 000 francs de dommages et intérêts (soit environ 152 000 euros au cours de 2022).

Fondé en 1992, soit la préhistoire du réseau des réseaux, quand on n’y publiait que du texte et qu’y échangeaient universitaires et technophiles, Altern est à l’époque le premier service d’hébergement gratuit en France. Il se définit comme « sans contrepartie et ouvert à tous, [deux conditions] qui sont pour ceux qui l’ont choisi la garantie (…) d’une totale liberté d’expression ».

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Le fondateur d’Altern, Valentin Lacambre, est une figure parmi « les pionniers du Net » – il a fait fortune en créant sur le Minitel… 3615 Internet. Refusant de s’instaurer en « censeur », il n’a rien prohibé dans les conditions générales d’utilisation de son service, si ce n’est la diffusion de contenus illicites.

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